Aristote et le loisir comme temps propice à la réflexion
- catherineguindon
- 29 nov. 2023
- 2 min de lecture
J’ai eu l’idée de créer ce blogue sur le thème de la tranquillité pour faire contrepied à l’agitation et à l’inquiétude dans lesquelles la vie moderne nous précipite trop souvent. Le travail, les responsabilités familiales et les activités domestiques occupent une grande partie de notre temps. Quant aux moments d’accalmie – par exemple, lorsque nous transitons d’un lieu à un autre en transport en commun ou que nous patientons dans la salle d’attente du cabinet du dentiste –, ils sont bien souvent passés les yeux rivés sur notre téléphone cellulaire à faire défiler les dernières nouvelles des réseaux sociaux.
Pour nous aider à réfléchir sur la manière d’occuper ces moments libérés du brouhaha de nos obligations quotidiennes, il peut être utile de faire intervenir un concept philosophique trouvé dès l'Antiquité grecque : celui de loisir.
Pour Aristote (4e s. AEC), le loisir (« scholê » en grec ancien, que les Romains traduiront par « otium ») est le temps libéré des activités « utiles », c’est-à-dire celles qui ne sont pas recherchées pour elles-mêmes mais pour autre chose. En ce sens, le travail (« ascholia » ou « negotium ») est le contraire du loisir puisqu’il sert à nous assurer que nos besoins vitaux soient comblés. Le loisir est, à l’inverse, un moment au cours duquel les activités poursuivies trouvent leurs fins en elles-mêmes. Dans ce contexte, toute occupation servant à se reposer pour retourner au travail restauré n’est donc pas du loisir, mais plutôt un simple divertissement. En effet, ce dernier n’est pas accompli pour lui-même mais pour autre chose.

L'École d'Aristote, par G.A. Spangenberg, 1880
Au contraire, le loisir est, pour Aristote, l’occasion pour l’être humain de se réaliser et de trouver le bonheur, qui est la fin ultime de toute la vie et ce en vue de quoi on fait tout le reste. Nous sommes donc amenés à réaliser toute l’importance de ce temps libre : il en va de notre vie heureuse.
Maintenant, quel type d’activités est assez digne pour occuper notre temps de loisir? Pour le philosophe, l’activité procurant le bonheur par excellence est l’étude, c’est-à-dire l’activité méditative accomplie par pure curiosité, puisqu’elle met en branle ce qui fait de nous des êtres humains : la raison.
Mais peut-on être heureux tout en travaillant? Contrairement au philosophe, je ne crois pas que le travail, tout comme le divertissement, soient nécessairement contraires au loisir. En effet, n’est-il pas possible de considérer le travail et les activités de délassement comme des activités qui, en plus d’être utiles, sont parfois pratiquées pour elles-mêmes? En outre, le loisir doit-il mettre en branle nécessairement notre esprit rationnel? Par exemple, la contemplation d’œuvres d’art qui agissent sur notre sensibilité ne peuvent-elles pas, comme l’affirme Jean-Michel Pire dans son ouvrage Otium (Acte sud, 2020), être considérées comme du loisir?
Quoi qu’il en soit, Aristote nous invite, avec le concept de loisir, à réfléchir sur ce qui constitue la fin ultime lorsque nous menons nos activités de tous les jours et à choisir de façon plus intentionnelle nos occupations.
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